
La transparence dans la gestion des finances publiques est un impératif pour garantir la stabilité économique et la confiance des citoyens envers l’État. C’est dans cette logique que la loi n°2012-22 du 27 décembre 2012 impose la publication d’un rapport sur la situation des finances publiques au début de chaque mandat présidentiel. Conformément à cette disposition, le Ministère des Finances et du Budget (MFB) a soumis à la Cour des Comptes un rapport couvrant la période 2019 – 31 mars 2024. Cet audit, premier du genre en raison de l’absence d’un rapport similaire en 2019, dresse un état des lieux préoccupant de la dette publique sénégalaise. Hausse des emprunts, forte dépendance au secteur bancaire, discordances dans les chiffres officiels : le document met en lumière des failles majeures dans la gestion des finances publiques, soulevant de sérieuses inquiétudes sur la soutenabilité de la dette du pays.
1. Objectifs et critères d’audit
Objectifs de l’audit
L’objectif général de l’audit est de s’assurer que le rapport produit par le Gouvernement rend compte fidèlement de la situation budgétaire et financière de l’Etat de 2019 au 31 mars 2024.
De manière spécifique, il s’agit de :
vérifier que les données et informations budgétaires et financières du rapport sont exactes et exhaustives ;
s’assurer que les données et informations budgétaires et financières du rapport sont adéquatement retracées en comptabilité.
1.2. Critères d’audit
L’audit est basé sur les critères ci-dessous :
exhaustivité : toutes les informations portant sur les recettes, les dépenses et les opérations de trésorerie sont retracées dans le rapport du Gouvernement ;
exactitude : les informations financières et budgétaires sont exactes et vérifiables ;
rattachement : les opérations sont enregistrées dans la bonne période ;
classement : les opérations sont enregistrées dans les comptes appropriés ;
existence / réalité : les opérations décrites sont réelles et/ou
2. Portée et étendue des travaux
Les travaux portent sur la situation des finances publiques notamment les opérations relatives au budget général (recettes et dépenses), aux comptes spéciaux du Trésor (CST), à la gestion de la trésorerie de l’Etat et à la situation de l’endettement de l’administration centrale budgétaire.
La situation de la commande publique a été exclue du périmètre en raison de contraintes de délais et de l’étendue des travaux. Elle peut faire ultérieurement l’objet de mandat spécifique.
3. Démarche méthodologique
Le rapport produit par le Gouvernement résulte d’une compilation de données provenant, essentiellement, des lois de règlement, du Compte général de l’Administration des Finances (CGAF), du Tableau des Opérations financières de l’Etat (TOFE) et des situations financières provenant des directions générales du MFB, de certains organismes publics, des banques commerciales ainsi que des programmes de grande envergure.
Le document indique que « le champ institutionnel de l’exercice est circonscrit à l’Administration centrale, ce qui veut dire que le périmètre n’intègre pas les collectivités territoriales et le secteur parapublic. Néanmoins, les transferts reçus par ces entités de l’Etat central et les risques budgétaires et financiers induits dans le cadre de leur gestion et qui impactent les finances publiques, sont retracés dans le présent rapport. »
Le rapport sur la situation des finances publiques présenté par le Gouvernement est réalisé par une équipe du Ministère des Finances et du Budget (MFB) sous la supervision de l’Inspection générale des Finances (IGF).
L’objectif assigné à cette équipe est « d’établir une image fidèle de la situation globale des finances publiques sur la durée du mandat présidentiel 2019-2023 et au 1er trimestre 2024 ».
L’audit réalisé par la Cour repose sur la stratégie suivante :
la planification de la mission avec la définition des objectifs, le choix des critères, la délimitation du périmètre de contrôle qui structurent l’audit (entretiens avec les membres de l’équipe de l’Inspection générale des finances et les principaux responsables du MFB, revue documentaire et analytique, etc.) ;
l’examen détaillé sur la base des informations recueillies qui repose sur un programme d’audit indiquant les diligences et procédés mis en œuvre pour collecter les éléments probants ;
le rapportage fondé sur la présentation des principaux constats et résultats de l’audit. Le présent rapport est structuré en deux chapitres :
Chapitre premier : Opérations du budget général et des comptes spéciaux du Trésor
Chapitre II : Gestion de la trésorerie et situation de l’endettement
Chapitre I : Opérations du budget général et des comptes spéciaux du Trésor
Cette partie analyse, d’une part, les opérations du budget général et, d’autre part, les comptes spéciaux du Trésor.
1. Opérations du budget général
Les opérations du budget général sont constituées des recettes et des dépenses.
1.1. Recettes du budget général
1.1.1. Situation des recettes produite par le Gouvernement
Selon le rapport du Gouvernement sur la situation des finances publiques, « les recettes effectives du Budget général sont restées sur une tendance haussière de 2019 à 2023 avec un ralentissement en 2020 imputable pour l’essentiel aux mesures d’allègement fiscales dans le cadre de la pandémie COVID-19. Ces recettes sont présentées dans le tableau ci-après.
Tableau n°1 : Recettes budgétaires de 2019 à 2023 (extrait du rapport du Gouvernement sur la situation des finances publiques 2019 au 31 mars 2024)
En milliards de F CFA
Recettes internes 2019* 2020 2021 2022 2023 Total
Recettes fiscales 2 358,1 2 382,0 2 511,4 3 331,2 3 346,3 13 929,0
Recettes non fiscales 115,9 119,9 252,2 246,0 190,9 925,0
Recettes exceptionnelles 58,5 37,8 99,5 22,0 21,8 239,6
Dons 376,2 315,6 103,7 128,5 143,0 1 067,0
Total 2 908,7 2 855,3 2 966,8 3 727,8 3 702,1 16 160,8
*Les recettes de 2019 considérées comme des opérations de trésorerie à partir de 2020 n’ont pas été prises en compte Sources : lois de règlement et annexes (LR/PLR/CGAF)
Les recettes sont établies, sur la période sous revue, à 16 160,8 milliards de F CFA répartis entre les recettes fiscales, les autres recettes et les dons pour respectivement 13 929,05 milliards de F CFA, 1 164,7 milliards de F CFA et 1 067,05 milliards de F CFA.
Concernant les restes à recouvrer (créances fiscales), leur solde d’ouverture était de 308,53 milliards de F CFA, en 2019, contre un stock en fin mars 2024 de 408,2 milliards de F CFA, soit une progression de 32%. »
1.1.2. Constatations de la Cour
La situation des recettes présentée par le rapport du Gouvernement n’inclut pas les recouvrements du premier trimestre 2024.
L’analyse des recettes fait ressortir une concordance entre les données sur les recettes retracées dans le rapport et les lois de règlement /projet de loi de règlement 2023. En effet, les montants globaux des recettes de 2019 à 2023 tels que présentés au « tableau n°1 » du rapport sur la situation des finances publiques sont conformes à ceux arrêtés par les lois de règlement sur la même période.
Cependant, des anomalies relatives à des rattachements de recettes, à la non-exhaustivité des créances et des dépenses fiscales sont relevées.
1.1.2.1. Des rattachements irréguliers de recettes
Selon le principe de la comptabilité de caisse, les recettes doivent être comptabilisées dans la gestion au cours de laquelle elles sont encaissées. A cet égard, l’article 153 du décret n°2020- 978 du 23 avril 2020 portant Règlement général sur la Comptabilité publique précise que « la période couverte par la comptabilité budgétaire est la gestion couvrant l’année civile, sans période complémentaire. »
La Cour constate, à la Recette générale du Trésor, des rattachements irréguliers consistant à comptabiliser des recettes recouvrées en année N à l’exercice N-1. Les situations des recettes rattachées sont produites par la Direction générale des Impôts et des Domaines (DGID) et la Direction générale des Douanes (DGD).
La situation des recettes rattachées est résumée dans le tableau ci-dessous.
Tableau n°2 : Rattachements de recettes effectués sur la période sous revue
En milliards de F CFA
Année 2020 à 2019 2021 à 2020 2022 à 2021 2023 à 2022 2024 à 2023
DGID 43,97 66, 86 0 60,36 96,04
DGD ND ND 0 16,50 35,00
Total 43,97 66,86 0 76,86 131,04
Sources : DGID et DGD
ND : Non disponible
Les rattachements irréguliers ont pour effet d’augmenter les recettes de l’année N-1 et, par conséquent, de minorer le déficit budgétaire de la même année enregistré dans le Tableau des Opérations financières de l’État (TOFE).
L’incidence des rattachements sur le déficit en 2019 et 2020 n’a pu être déterminé en raison de la non-transmission par la DGD des situations y relatives.
Pour les gestions 2022 et 2023, la situation de l’impact des rattachements irréguliers sur le déficit est présentée ci-dessous :
Tableau n°3 : Impact des rattachements irréguliers sur le déficit
En milliards de F CFA
Libellé 2022 2023
Déficit base TOFE avec les rattachements irréguliers (1) 1 054,17 911,78
Rattachements irréguliers nets* (2) 76,86 54,19
Déficit sans rattachements irréguliers (3) = (1) + (2) 1 131,03 965,97
PIB nominal 17 227,92 18 688,50
Déficit TOFE/PIB 6,10% 4,9%
Déficit sans rattachements irréguliers /PIB 6,56% 5,17%
Ecarts par rapport au déficit/PIB base TOFE 0,46% 0,27%
Source : Cour des Comptes à partir des données DGID / DGD
* variation des rattachements entre deux années
En 2022 et 2023, les déficits budgétaires sans rattachements irréguliers, rapportés au PIB, sont supérieurs respectivement de 0,46% et 0,27% aux déficits affichés dans le TOFE.
Cependant, cette hausse des déficits n’entraine pas un besoin de financement additionnel en raison de la disponibilité de la trésorerie issue des recettes rattachées.
1.1.2.2. Une situation non exhaustive des restes à recouvrer (RAR)
Les restes à recouvrer indiqués dans le rapport du Gouvernement regroupent l’ensemble des impôts, droits et taxes liquidés par les administrations financières.
Ces restes à recouvrer s’élèvent à 408,2 milliards de F CFA et ne tiennent pas compte des créances douanières liquidées d’un montant de 261,71 milliards de F CFA réparti entre :
les droits et taxes résultant des déclarations sans bon-à-enlever (BAE) pour 182,25
milliards de F CFA ;
le reliquat des droits et taxes liquidés ainsi que des pénalités appliquées après des procédures contentieuses closes pour 79,46 milliards de F CFA.
Ainsi, le total des RAR au 31 mars 2024 s’élève à 669,9 milliards de F CFA comme indiqué au tableau ci-dessous.
Tableau n°4 : Situation des RAR au 31 mars 2024 intégrant les droits de douanes
En milliards de F CFA
Intitulé RAR DGID RAR DGD Total RAR
En valeur absolue 408,2 261,7 669,9
En valeur relative 60,9% 39,1% 100%
Sources : DGID et DGD
Malgré leur importance, les droits de douane ne font pas l’objet d’un suivi administratif et comptable centralisé, contrairement aux impôts directs enrôlés.
L’omission des créances douanières altère la précision des données relatives aux restes à recouvrer et donne une image incomplète de leur situation.
1.1.2.3. Une situation non exhaustive des dépenses fiscales
Le rapport sur la situation des finances publiques de 2019 au 31 mars 2024 indique que le Sénégal, à travers un comité de pilotage des études sur les dépenses fiscales, procède à l’évaluation annuelle régulière et périodique des dépenses fiscales.
Le coût budgétaire des exonérations fiscales évaluées par le rapport sur la période de 2019 à 2021 est présenté dans le tableau ci-dessous :
Tableau n°5 : Situation des dépenses fiscales dans le rapport du Gouvernement 2019-2021
En milliards de F CFA
Années 2019 2020 2021
Coûts 750,3 846,09 952,7
Source : Rapport sur la situation des finances publiques de 2019 au 31 mars 2024
Les dépenses fiscales s’élèvent à 952,7 milliards de F CFA en 2021.
La Cour constate que le rapport du Gouvernement n’inclut pas les données relatives aux dépenses fiscales pour les années 2022 et 2023.
La DGID sollicitée par la Cour n’a pas produit la situation des dépenses fiscales au titre des années 2022 et 2023 évoquant « des contraintes liées à la disponibilité des données » qui font que ladite situation n’est faite qu’à l’année n+2.
En revanche, la DGD a transmis une situation récapitulative des exonérations accordées entre 2019 et le premier trimestre 2024, détaillée ci-dessous :
Tableau n°6 : Situation des dépenses fiscales concédées par la DGD
En milliards de F CFA
Années 2019 2020 2021 2022 2023 2024 (trimestre 1)
Coûts 120,5 165,8 251,8 454,8 391,7 96,4
Source : DGD
L’absence de rapports d’évaluation des dépenses fiscales pour les gestions 2022 et 2023 est contraire à la Décision n°08/2015/CM/UEMOA du 2 juillet 2015 instituant les modalités d’évaluation des dépenses fiscales dans les États membres de l’UEMOA.
En effet, l’article 2 de la Décision précitée précise que « chaque Etat membre procède de manière annuelle à l’évaluation des dépenses fiscales. Cette évaluation fait l’objet d’un rapport qui est annexé au projet de lois de finances pour le budget de l’Etat (…) ». De plus, l’article 11 de la même Décision indique que « le rapport annuel d’évaluation des dépenses fiscales doit être rendu public par le Gouvernement au plus tard le 31 mars de l’année suivant celle au titre de laquelle la loi de finances en cours d’exécution a été adoptée ».
Selon le Ministère des Finances et du Budget, les données définitives qui doivent servir à l’élaboration du rapport sur les dépenses fiscales au titre d’une année N ne sont disponibles qu’à la fin de l’année N+1. Certains Etats qui ont opté pour travailler avec des données provisoires sont en mesure de produire annuellement un rapport contrairement au Sénégal qui ne tient compte que des données définitives.
Aussi, le Ministère s’est-il engagé, en attendant la disponibilité des données définitives, à élaborer, désormais, un rapport annuel sur les dépenses fiscales sur la base de données provisoires.
La Cour fait remarquer que la Décision n°08/2015/CM/UEMOA du 02 juillet 2015 qui ne fait pas de distinction entre données provisoires et données définitives, oblige les Etats à publier leur rapport annuel au plus tard le 31 mars de chaque année. Cette norme communautaire, d’application directe, ne prévoit pas de dérogation.
1.2. Dépenses du budget général
1.2.1. Situation des dépenses produite par le Gouvernement
Dans le rapport du Gouvernement, « les dépenses effectives s’élèvent à 21 007,13 milliards de F CFA sur la période 2019-2023, soit une progression moyenne de 9,3% comme indiqué au tableau ci-après.
Tableau n°7 : Evolution des dépenses du budget général (extrait du rapport du Gouvernement sur la situation des finances publiques 2019 au 31 mars 2024)
En milliards de F CFA
Rubriques 2019* 2 020 2 021 2 022 2 023 Total
Charges financières de la dette publique (intérêts et commissions) 272,20 288,29 306,36 381,47 567,92 1 816,24
Masse salariale 744,96 831,29 915,58 1 131,50 1 303,50 4 926,82
Dépenses d’acquisition de biens et services 384,83 339,02 426,07 388,68 426,67 1 965,27
Transferts courants 705,41 955,93 857,34 1 362,49 1 147,67 5 028,83
Dépenses en capital sur ressources internes 626,03 774,27 809,39 1 050,39 855,62 4 115,70
Total dépenses ressources internes 2 733,43 3 188,79 3 314,74 4 314,53 4 301,39 17 852,88
Dépenses en capital sur ressources Extérieures 762,31 652,44 565,88 570,03 603,60 3 154,25
Total Budget général 3 495,74 3 841,23 3 880,61 4 884,56 4 904,98 21 007,13
* En 2019 seules les charges financières de la dette ont été prises en compte Sources : DGB/LR et CGAF
La masse salariale est constituée uniquement des charges de personnel de la Fonction publique payée par la Direction de la Solde. De ce périmètre, il est exclu les contractuels de l’Education et de la Formation professionnelle, des Ministères en charge de la Santé, de l’Agriculture, de l’Environnement et des autres ainsi que les paiements de certaines indemnités aux agents qui sont logés au niveau des dépenses de matériels de biens et services ou de transferts courants aux services administratifs ou dans les projets d’investissements de l’Etat.
La masse salariale est passée de 744,96 milliards de F CFA en 2019 à 1 303,50 milliards de F CFA en 2023, soit une évolution de 74,97%.
Les transferts représentent en moyenne 77% des dépenses exécutées dans le système support du budget programme (SYSBUDGEP). »
1.2.2. Constatations de la Cour
La situation des dépenses présentée par le rapport du Gouvernement n’inclut pas les dépenses du premier trimestre 2024.
L’analyse des dépenses du budget général fait ressortir une concordance entre les montants figurant au tableau n°7 ci-dessus du rapport sur la situation des finances publiques et ceux arrêtés par les LR/PLR.
Durant la période sous revue, des transferts d’un montant de 8 429,83 milliards de FCFA réparti entre les transferts courants (4 897,05 milliards de FCFA) et les transferts en capital (3 532,78 milliards de FCFA) sont effectués (Cf. tableau n°8).
La Cour relève des transferts importants au profit des services non personnalisés de l’Etat (SNPE) et des dépenses sur ressources extérieures non retracées dans les LR/PLR.
1.2.2.1. D’importants transferts au profit des services non personnalisés de l’Etat (SNPE)
Les Services non personnalisés de l’État (SNPE), entités dépourvues de personnalité juridique, ont bénéficié, durant la période sous revue, de transferts budgétaires d’un montant total de 2 562,17 milliards de F CFA, représentant 28,06% des transferts globaux du budget général.
L’Etat ne doit pas accorder à ses propres services des transferts de crédits ; ceux-ci devant bénéficier de crédits de fonctionnement ou d’investissement.
Les transferts de crédits sont exécutés à travers des comptes de dépôt ouverts au Trésor et confiés à des gestionnaires nommés par le Ministre chargé des finances conformément à l’arrêté n°21136 du 21 novembre 2017 fixant les conditions d’ouverture, de fonctionnement et de clôture des comptes de dépôt, modifié par l’arrêté n°14117 du 26 juin 2018.
Le tableau n°8 qui suit présente l’évolution des dépenses de transfert. Toutefois, ces données n’intègrent les transferts effectués au profit des institutions constitutionnelles, les bourses et les contributions aux organisations internationales.
Tableau n°8 : Situation des dépenses de transfert
En milliards de F CFA
Transferts 2019 2020 2021 2022 2023 31/03/2024 Total général
SNPE 343,58 408,93 572,36 694,53 474,16 68,62 2562,17
Transferts courants 111,67 145,69 248,84 399,41 273,57 38,33 1217,51
Transferts en capital 231,91 263,23 323,52 295,12 200,59 30,29 1344,66
Organismes publics 820,98 1106,35 818,49 1401,01 1300,29 420,54 5867,66
Transferts courants 497,46 706,36 512,81 888,05 772,75 302,13 3679,55
Transferts en capital 323,52 399,99 305,68 512,96 527,54 118,42 2188,12
Total des transferts aux organismes publics et SNPE 1164,56 1515,27 1390,84 2095,54 1774,45 489,16 8429,83
Total général des transferts du Budget général 1268,98 1662,54 1537,47 2241,89 1881,42 539,03 9131,33
Parts des transferts au profit des SNPE 27,08% 24,60% 37,23% 30,98% 25,20% 12,73% 28,06%
Parts des transferts au profit des organismes publics 70,50% 73,01% 58,85% 66,86% 73,28% 85,97% 69,61%
Evolution SNPE Na 19,02% 39,97% 21,35% -31,73% Na
Evolution organismes publics Na 34,76% -26,02% 71,17% -7,19% Na
Source : Cour des Comptes à partir des données de la DGB
Na : Non applicable
Les transferts au profit des SNPE suscite quelques observations. En effet :
au plan budgétaire, l’arrêté n°037029 du 07 décembre 2022 fixant les lignes budgétaires et les catégories de dépenses pris en application de l’article 4 du décret n°2022-1576 du 1er septembre 2022 portant Nomenclature budgétaire de l’Etat ne prévoit de transferts qu’au profit des entités dotées de la personnalité juridique.
au plan comptable, les comptes de dépôt fonctionnent comme des comptes bancaires. Les mouvements qui y sont retracés sont des opérations de trésorerie. Ainsi, les acquisitions de biens et les immobilisations qui en résultent ne sont pas retracées dans la comptabilité de l’Etat.
Contrairement à la procédure normale, les opérations effectuées à travers ces comptes de dépôt échappent totalement aux contrôles de régularité préalables nécessaires à la préservation des deniers publics. En effet, les seules diligences qu’effectuent les comptables de rattachement lors des décaissements des fonds portent sur le contrôle de la disponibilité des fonds et de la qualité du signataire du chèque ou de l’ordre de virement. Ils n’effectuent pas de contrôle de régularité notamment la vérification de la validité de la créance.
Les transferts au profit des services non personnalisés de l’Etat, exécutés à travers des comptes de dépôt ouverts au Trésor et confiés à des gestionnaires nommés par le Ministre chargé des finances, mobilisent d’importantes sommes dont la gestion comporte plusieurs manquements.
A titre illustratif, la Cour a examiné la situation d’exécution des comptes
« CAP/Gouvernement » et « Programme de Défense des Intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal (PDIES) » dans les développements qui suivent.
1.2.2.1.1. Le compte de dépôt CAP/Gouvernement
Le compte de dépôt « CAP/Gouvernement » est créé le 25 juin 2012 au profit de la Cellule d’appui à la mise en œuvre des Projets et Programmes (CAP) pour suppléer au financement des activités de cette structure par le PNUD. L’objectif général est de contribuer à l’amélioration du niveau et de la qualité d’exécution des projets et programmes.
Le compte de dépôt ouvert dans les livres de la Trésorerie générale est mouvementé par le Directeur de l’Ordonnancement des Dépenses publiques (DODP).
Sur la période sous revue, d’importantes ressources d’un montant de 1 343 577 555 142 F CFA sont décaissées à travers ce compte. Le tableau n° 9 ci-dessous en donne la situation.
Tableau n°9 : Situation des décaissements effectués sur le compte de dépôt 3683047 « CAP/Gouvernement »
En FCFA
Année 2019 2020 2021 2022 2023 Total sur la période
Montants décaissés 262 284 324 29 551 563 147 240 100 247 063 473 396 414 203 600 267 046 405 1 343 577 555 142
Source : Balances générales des comptes du Trésorier général
Cependant, des décaissements sont effectués en 2022 par le Trésorier général sur ordre du Directeur général du Budget qui n’est pas le gestionnaire du compte. Il s’agit notamment du paiement de :
6 481 740 000 F CFA au profit d’Envol Partenariat S.A, au titre du loyer (deuxième semestre 2022) de la Maison des Nations Unies à Diamniadio ;
1 205 237 681 F CFA au profit de DP WORLD au titre du complément de l’achat des 30% d’actions de DP WORLD pour le compte de l’Etat du Sénégal ;
4 000 000 000 F CFA au profit d’Air Sénégal.
Sur cette question, le Ministère des Finances et du Budget précise dans sa réponse que le Directeur général du Budget, qui n’est pas le gestionnaire du compte, ne peut donner d’ordre au Trésorier général de payer une dépense.
La Cour maintient que par lettres n°00260 MFB/DGB/DODP du 06 juillet 2022, n°00269 MFB/DGB/DODP du 14 juillet 2022 et n°00270 MFB/DGB/DODP du 14 juillet 2022 signées par le Directeur général du Budget, les décaissements susmentionnés de montants respectifs de 6 481 740 000 F CFA, 1 205 237 681 F CFA et 4 000 000 000 F CFA sont effectués par le Trésorier général et bien retracés dans le relevé du compte de dépôt n°3683047
« CAP/Gouvernement ».
Par ailleurs, le compte de dépôt enregistre, en 2023, le remboursement d’une dette bancaire d’un montant de 305 943 167 977 F CFA sans lien établi avec l’objet pour lequel il a été créé. La situation détaillée de ces remboursements est présentée à l’annexe n°1.
Il s’y ajoute que les remboursements sont effectués en dehors des procédures normales prévues par la règlementation en matière de gestion de la dette publique.
1.2.2.1.2. Le compte de dépôt Programme de Défense des Intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal (PDIES)
Le Programme de défense des intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal (PDIES) est créé par décret n° 2017-74 du 12 janvier 2017.
La mobilisation des ressources dudit programme est faite par le biais d’un compte de dépôt ouvert dans les livres de la Trésorerie générale. Ce programme est placé sous l’autorité du Ministre chargé des finances qui peut en confier le pilotage à l’un des membres de son personnel.
L’article 5 du décret susvisé prévoit la possibilité d’ouvrir un ou plusieurs comptes au niveau des banques primaires du Sénégal et à l’étranger pour y verser les fonds tirés du compte de dépôt.
En outre, selon l’article 6 dudit décret, les dépenses prévues pour le fonctionnement et les activités opérationnelles du programme ne sont pas justifiées, en raison des spécificités liées aux opérations qui y sont effectuées.
Les dispositions de ce décret ouvrent de fait des fonds spéciaux gérés par le Ministre chargé des finances.
Sur la période sous revue, un montant de 303 031 260 751 F CFA est décaissé à travers ce compte comme le montre le tableau ci-après.
Tableau n°10 : Situations des décaissements effectués sur le compte PDIES de 2019 à 2023
Année 2019 2020 2021 2022 2023 Total sur la période
Montants décaissés 33 658 000 000 12 740 000 000 145 764 177 871 41 853 147 576 69 015 935 304 303 031 260 751
Source : Balances générales du Trésorier général
La Cour constate qu’en plus des transferts budgétaires, les comptes de dépôt
« CAP/Gouvernement » et « Programme de Défense des Intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal (PDIES) » reçoivent des affectations de trésorerie sur autorisation du Ministre chargé des finances.
C’est le cas de l’autorisation accordée en 2023 d’imputer les ressources mobilisées auprès de l’investisseur CGL dans les comptes de dépôt CAP Gouvernement et PDIES pour des montants respectifs de 125 000 000 000 F CFA et 4 022 122 869 F CFA.
Ces affectations sont effectuées en dehors des procédures de la loi de finances.
Outre les problèmes relevés sur l’exécution des comptes de dépôt sus indiqués, une utilisation irrégulière des soldes créditeurs des comptes de dépôt est constatée. Ainsi, en fin d’année 2023, des prélèvements d’un montant de 407 550 717 701 F CFA sont opérés sur des soldes créditeurs des comptes de dépôt pour être affectés à d’autres comptes sur autorisation du Ministre chargé des Finances.
Ces prélèvement/affectations contreviennent aux dispositions de l’arrêté n°21136 du 21 novembre 2017, modifié, qui prévoient, pour les soldes créditeurs de ces comptes de dépôt, le report ou la comptabilisation en recettes exceptionnelles.
Le Ministre des Finances et du Budget affirme que les opérations de prélèvement et d’affectation sur comptes de dépôt « sont effectuées, conformément aux attributions du Ministre chargé des Finances relativement aux opérations de trésorerie de l’Etat (article 1er alinéa 2 du décret n° 2024-948 relatif aux attributions du Ministre des Finances et du Budget).
Cette compétence du Ministre des Finances est corroborée par l’article 17 du RGCP qui dispose que le Ministre chargé des Finances est ordonnateur principal unique du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor ainsi que de l’ensemble des opérations de trésorerie ».
La Cour rappelle, cependant, que les affectations de trésorerie relèvent du domaine de la loi de finances. En effet, conformément à l’article 3 de la loi organique n°2020-07 du 26 février 2020 relative aux lois de finances « les lois de finances déterminent la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’Etat ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte (…) ».
Par ailleurs, l’article 3 du décret n°2020-978 du 28 avril 2020 portant Règlement général sur la Comptabilité publique ajoute que « les ressources et les charges de l’Etat sont prévues et autorisées, pour chaque année civile, par une loi de finances ».
Au regard de ces dispositions, le Ministre chargé des finances ne doit pas affecter le produit des emprunts à des comptes de dépôt pour y exécuter des opérations non autorisées par la loi de finances.
En outre, dans l’exécution des opérations de trésorerie, en dehors des cas bien définis par la réglementation notamment l’arrêté n°21136 du 21 novembre 2017 susmentionné et relatif au traitement des soldes créditeurs, les comptes de dépôt ne peuvent être mouvementés par les comptables du Trésor que sur ordre des gestionnaires ou agents comptables dument habilités.
1.2.2.2. Des discordances sur les données des ressources extérieures
L’analyse des données sur les ressources extérieures permet de faire les constats ci-après :
des variations notées dans les situations produites par la DODP ;
des écarts entre les données sur les prêts projets communiquées par la DODP et celles du TOFE ;
des discordances des tirages sur les prêts projets entre la DDP et la
1.2.2.2.1. Des variations notées dans les situations produites par la DODP
La Cour a relevé des discordances entre la dernière situation produite par la DODP et les données du rapport sur la situation des finances publiques comme indiqué dans le tableau n° 11 qui suit.
Tableau n°11 : Ecarts entre données du rapport et celles transmises à la Cour
En milliards de F CFA
Libellé 2019 2020 2021 2022 2023 Total
Tirages sur ressources extérieures (Données du rapport) (1) 1 024,20 944,4 1 073,60 1 399,00 1 349,70 5 790,90
Tirages sur ressources extérieures (Données
transmises à la Cour) (2)
1 055,55 877,31 1 238,48 1 325,3 1 438,24 5 934,88
Ecart (2)-(1) 31,35 -67,09 164,88 -73,70 88,54 143,98
Source : DODP
L’écart global entre la dernière situation produite par la DODP et celle figurant dans le rapport du Gouvernement est de 143,98 milliards de F CFA.
Par ailleurs, la Cour a procédé à un échantillonnage de 09 bailleurs (Banque mondiale, Banque africaine de Développement, Banque islamique de Développement, Agence française de Développement, BOAD, Chine, USAID, Société générale et Standard Chartered Bank) dont les financements couvrent 97,84% des ordonnancements des dépenses sur ressources extérieures sur la période de 2019 à mars 2024.
Les rapprochements effectués ont permis de constater des écarts entre les ordonnancements de la DODP et ceux enregistrés dans les plateformes de certains bailleurs.
Interpellé sur ces constats, le Directeur de l’Ordonnancement des Dépenses publiques a transmis une nouvelle situation des ordonnancements qui présente encore des écarts.
A titre illustratif, les écarts relatifs aux ordonnancements effectués par la DODP et concernant trois (3) bailleurs sont indiqués au tableau ci-après.
Tableau n°12 : Situation des ordonnancements corrigés par la DODP
En F CFA
Année
Réf projet
Intitulé du projet
Situation transmise à la Cour (1) Situation (réponses
aux écarts) (2)
Ecarts (1)-
(2)
BANQUE ISLAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT
2022 SEN 0153 Appui à la production de vaccin contre la fièvre jaune 3 802 901 211 3 630 459 527 172 441 684
2022 SEN 1014 Programme de promotion des villes du Sénégal
– promovilles
17 288 815 087 17 307 517 073 -18 701 986
2022
SEN 0141
Projet d’alimentation électrique de la ville de Dakar (liaisons 225 kV kounoune-patte d’oie 30
km et Kaolack Mbour)
6 977 497 035
6 662 188 457
315 308 578
2022 SEN 1004 Projet de développement de l’entrepreneuriat agricole au Sénégal (PRODAC)/BID 260 593 204 209 397 495 51 195 709
2022 SEN 1036 Projet assainissement de la zone nord de Dakar 2 991 965 181 3372826452 -380 861 271
2022 SEN 0152 Projet de reconstruction des routes au nord (Ndioum-thilogne et Dialacoto-mako) 1 705 100 310 1 815 550 479 -110 450 169
2022 SEN 131 Projet de migration de l’impact des inondations à Dakar 509 470 084 633817334 -124 347 250
2022 SEN 0123 Projet d’appui a la modernisation des Daaras 2 668 085 483 1 230 805 483 1 437 280 000
2022 SEN 0128 Projet de développement entreprenariat féminin et appui à l’emploi des jeunes filles 3 478 489 676 3 438 014 389 40 475 287
2022 SEN 1019 Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC) 5 903 029 683 6 308 299 946 -405 270 263
2022 SEN 1017 Projet développement durable du pastoralisme au Sénégal (PDDPS) 2 923 512 376 3 046 587 086 -123 074 710
2022 SEN1003 Projet alphabétisation et apprentissage des
métiers et de lutte contre la pauvreté/Palam/PH
1 617 298 701 1 337 298 696 280 000 005
2023 SEN 1014 Programme de promotion des villes du Sénégal – promovilles 15 548 153 397 13 360 288 890 2 187 864 507
2023 SEN 0123 Projet d’appui a la modernisation des Daaras 197 660 577 573 739 181 -376 078 604
2023 SEN 1017 Projet développement durable du pastoralisme au Sénégal (PDDPS) 2 368 128 210 2 160 194 141 207 934 069
2023 SEN1003 Projet alphabétisation et apprentissage des
métiers et de lutte contre la pauvreté/Palam/PH
2 407 792 862 2 335 031 201 72 761 661
2023 SEN0138 Projet régional d’interconnexion électrique 2 269 833 080 2 019 418 271 250 414 809
BANQUE MONDIALE
2019 TF16708 Projet de Développement Inclusif et Durable de l’Agrobusiness au Sénégal PDIDAS 8 953 540 482 8 653 550 482 299 990 000
2019 IDA 62730 Projet de relèvement d’urgence et de résilience à Saint-Louis (SERRP) 983 204 430 1 287 480 930 -304 276 500
2019 IDA 5419 Projet d’établissement des centres d’excellence africain (CEA) 1 685 336 403 1666893532 18 442 871
2021 IDA 69640 Projet de réponse à la COVID 19 9 202 711 833 18 275 460 440 -9 072 748 607
2021 IDA D8890 Projet de réponse à la COVID 19 (DONS) 64641621776 44 793 051 090 19 848 570 686
2022 IDA 62730 Projet de relèvement d’urgence et de résilience à Saint-Louis (SERRP) 4 919 621 472 4 683 701 416 235 920 056
2023 IDA 62730 Projet de relèvement d’urgence et de résilience à Saint-Louis (SERRP) 2 940 950 551 2 981 286 526 -40 335 975
BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT
2020 2000200003052 Projet d’Appui au programme d’Urgence pour le Développement Communautaire (PUDC) 389 925 907 239 925 907 150 000 000
2023 5110155 000002 Projet de Construction du Pont de ROSSO 41 044 752 89 896 759 -48 852 007
2023 200020 0003052 Projet d’Appui au programme d’Urgence pour le Développement Communautaire (PUDC) 75 000 000 4 561 723 569 -4 486 723 569
2023
200020 0004352
Projet de valorisation des eaux pour le développement des chaines de valeur
‘PROVALE-CV)
6 308 168 576
8 098 651 586
-1 790 483 010
2023
5050200000851
Projet de valorisation des eaux pour le développement des chaines de valeur
‘PROVALE-CV)
2 961 028 599
3 638 524 625
-677 496 026
2023 2000200005206 PDZAM 0 163 854 381 -163 854 381
Source : DODP
Selon le DODP, ces variations notées s’expliquent essentiellement par l’annulation de montants déjà ordonnancés et transmis aux bailleurs, l’omission d’enregistrements d’ordonnancements, les erreurs d’écriture et les corrections apportées après vérification.
1.2.2.2.2. Des écarts entre les données sur les prêts projets communiqués par la DODP et celles du TOFE
La Cour note des écarts entre la situation des tirages sur prêts projets nets des rétrocessions et des soldes des comptes bancaires ouverts pour le compte de projets et programmes communiquée par la DODP et celle enregistrée au TOFE comme le montre le tableau suivant.
Tableau n°13 : Ecarts sur emprunts projets entre données DODP et TOFE
En milliards de F CFA
Libellé 2019 2020 2021 2022 2023
Emprunts projets communiqués par la DODP (1) 736,3 612,8 814,3 854,0 1131,6
Emprunts projets TOFE (2) 395,0 429,2 516,3 415,0 434,9
Ecarts (Montants non enregistrés dans le TOFE) 341,3 183,6 298,0 439,0 696,7
Montants non enregistrés dans le TOFE en % PIB 2,49% 1,30% 1,95% 2,55% 3,73%
Source : TOFE et DODP
Le montant des dépenses financées sur « prêts projets » nets des rétrocessions et soldes des comptes bancaires communiqué par la DODP à la Cour est supérieur à celui qu’elle a produite enregistrée dans le TOFE, ce qui a pour effet de réduire le déficit budgétaire affiché.
La pratique consistant à afficher un volume des dépenses d’investissement financées sur ressources extérieures en deçà des montants réels répond au besoin de respecter le niveau prévisionnel du déficit fixé par le cadrage budgétaire.
En effet, la comparaison entre la situation des dépenses exécutées sur ressources extérieures communiquée par la DODP à la Cour et les prévisions de la LFI montre des écarts importants tels que retracés dans le tableau suivant.
Tableau n°14 : Ecarts sur les prévisions et les réalisations des dépenses sur ressources extérieures
En milliards de F CFA
Intitulé 2019 2020 2021 2022 2023
Prévisions LFI sur les dépenses sur ressources externes 640,86 761,56 844 830 667,9
Dépenses sur ressources externes (Données transmises à la Cour)* 900,59 730,71 1016,77 972,78 1231,66
Écarts 259,73 -30,85 172,77 142,78 563,76
Sources : LFI, données DODP
* Emprunts et subventions nets des rétrocessions et des comptes bancaires
Sur toute la période sous revue, à l’exception de l’année 2020, les dépenses d’investissement financées sur ressources extérieures dépassent les prévisions de la LFI. A titre illustratif, en 2023, les dépassements représentent 84,4% des prévisions de la LFI.
1.2.2.2.3. Des discordances sur les tirages des prêts projets
entre la Direction de la Dette publique (DDP) et la DODP
La DODP transmet à la DDP, à fréquence trimestrielle, la situation des ordonnancements pour les besoins du remboursement et du suivi de l’encours de la dette.
Des écarts sont relevés entre les données de la DODP et les tirages des prêts projets suivis par la DDP comme indiqué dans le tableau qui suit.
Tableau n°15 : Ecarts sur tirages entre DDP et DODP
En milliards de F CFA
Intitulé 2019 2020 2021 2022 2023
Tirages sur prêts projets DDP (1) 391,80 429,20 553,28 415,40 435,60
Tirages sur prêts-projets DODP (2) 891,25 759,36 1035,53 1206,51 1338,19
Ecarts (3) = (2) – (1) 499,45 330,16 482,25 791,11 902,59
Source : DDP, DODP
Les données de la DODP sont supérieures aux tirages de la DDP ; ce qui signifie qu’une partie de l’encours de la dette n’est pas retracée dans les documents de suivi de la DDP.
Il convient de signaler que les difficultés relevées dans la gestion des ressources extérieures sont dues à l’absence d’un système d’information intégré et au fait que le DODP ne tient pas de comptabilité conformément au plan comptable de l’Etat alors qu’il gère un portefeuille important de projets.
Il s’y ajoute qu’il cumule les fonctions d’ordonnateur et de comptable en méconnaissance des dispositions de l’article 14 du décret n°2020-978 du 23 avril 2020 portant Règlement général sur la Comptabilité publique.
2. Opérations des comptes spéciaux du Trésor
Les opérations des comptes spéciaux du Trésor sont constituées des recettes et des dépenses.
2.1. Situation des CST produite par le Gouvernement
Selon le rapport du Gouvernement sur la situation des finances publiques, le montant total des recettes réalisées de 2019 à 2023 s’élève à 773,78 milliards de F CFA dont 749,01 milliards de F CFA pour les comptes d’affectation spéciale.
Tableau n°16 : Evolution des recettes des comptes spéciaux du Trésor 2019-2023 (extrait rapport du Gouvernement sur la situation des finances publiques)
En milliards de F CFA
Recettes CST 2019 2020 2021 2022 2023 Total
Comptes d’Affectation spéciale 132,21 137,03 147,66 158,03 174,08 749,01
Fonds national de Retraite 130,25 135,14 145,15 156,42 171,01 737,96
Frais de contrôle des sociétés à participation publique 0,56 0,39 1,30 0,60 0,36 3,22
Caisse d’encouragement à la pêche 1,40 1,50 1,21 1,01 2,71 7,83
Fonds de lutte contre l’incendie – – – – – –
Comptes de prêts 6,74 6,36 4,59 3,56 3,54 24,78
Prêts aux particuliers 6,74 6,36 4,59 3,56 3,54 24,78
Total Recettes CST 138,95 143,39 152,25 161,59 177,61 773,78
Source : Lois de règlement
De 2019 à 2023, les dépenses des CST s’élèvent à 621,35 milliards de F CFA dont 98,5% portés par les comptes d’affectation spéciale.
Tableau n°17 : Evolution des dépenses effectives des CST de 2019 à 2023
En milliards de F CFA
Dépenses CST 2019 2020 2021 2022 2023 Total
Comptes d’Affectation spéciale 109,49 115,72 117,61 128,45 140,85 612,11
Fonds national de Retraite 107,72 114,19 116,02 126,89 139,28 604,11
Frais de contrôle des sociétés à participation publique 0,48 0,39 0,41 0,45 0,39 2,12
Caisse d’encouragement à la pêche 1,29 1,14 1,17 1,11 1,18 5,89
Fonds de lutte contre l’incendie – – – – – –
Comptes de prêts 0,74 0,06 2,23 4,03 2,18 9,24
Prêts aux particuliers 0,74 0,06 2,23 4,03 2,18 9,24
Total dépenses CST 110,23 115,77 119,84 132,48 143,03 621,35
Source : Lois de règlement
2.2. Concordance des données relatives aux CST avec les lois de règlement/PLR
Les diligences effectuées par la Cour montrent que les montants des recettes et des dépenses indiqués dans le rapport du Gouvernement aux tableaux n°16 et n°17 ci-dessus concordent avec ceux arrêtés par les lois de règlement /projet de loi de règlement 2023.
Chapitre II : Gestion de la trésorerie et situation de l’endettement
Le présent chapitre aborde la situation de la trésorerie et de l’endettement et présente les principales constatations y relatives.
1. Situation de la trésorerie et de l’endettement produite par le Gouvernement
1.1. Le besoin de financement et ses modalités de couverture
Selon le Gouvernement, « le besoin de financement a évolué entre 2019 et 2023 passant de 1 227,68 milliards de F CFA à 2 642,70 milliards de F CFA. Ce besoin est essentiellement couvert par emprunt.
Durant la période sus indiquée, l’Etat a emprunté plus que de besoin dégageant ainsi un surplus de financement à l’exception de l’année 2022. Celui de l’année 2023 s’élève à 604,12 milliards de F CFA.
Tableau n°18 : Evolution du financement (extrait du rapport du Gouvernement sur la situation des finances publiques)
En milliards de F CFA
2019 2020 2021 2022 2023 juin-24 Croissance moyenne
Besoin de financement 1227,68 1645,18 2086,29 2054,15 2642,7 2138,71 13,80%
Modalités de couverture 1320,22 1696,48 2083,08 2052,91 3246,83 1736,38 12,30%
Surfinancement 300,96 92,54 51,31 120,7 0 604,12
Prêts programme 262,63 487,44 417,197 446,76 796,72 33,01 12,20%
Financement marché 365 687,5 1098,248 1070,45 2015,17 915,02 35,80%
Prêts projets 391,632 429 516,32 415 434,94 184,233 -8,50%
Source : DEES / DGCPT
Le déficit budgétaire arrêté dans le Tableau des opérations financières de l’Etat (TOFE) qui détermine les indicateurs macroéconomiques clés, est de 3% selon les critères de convergence de l’UEMOA. Pendant la période sous revue, il a été de 3,9% en 2019 et s’est creusé en 2020, 2021 et 2022 (période COVID et de relance économique) pour s’établir respectivement à 6,4%, 6,3% et 6,1% et finir par s’atténuer en 2023 à 4,9%.
Le déficit calculé et annoncé au FMI sur la période sous revue est très loin de sa valeur réelle si l’on prend en compte le volume exact des décaissements des emprunts projets.
Par ailleurs, l’amortissement de la dette qui constitue l’autre poste explicatif du besoin de financement a évolué en passant de 589,98 milliards de F CFA en 2019 à 551,19 milliards de F CFA en 2020, 778,3 milliards de F CFA en 2021, 944,1 milliards de F CFA en 2022, 1269,1 milliards de F CFA en 2023 et 1248,2 milliards de F CFA en prévision pour 2024.
1.2. L’encours de la dette publique
Entre 2023 et 2024, l’évolution de l’encours de la dette publique totale est retracée dans le tableau suivant :
Tableau19: Encours de la dette publique totale T1 2023 et 2024 (extrait du rapport du Gouvernement sur la situation des finances publiques)
En milliards de F CFA
Trimestre 1 (T1) – 2024 2023 Variation
Montant % du total Montant % du total
Dette totale 15 691,05 100% 15 154 100% 3%
Dette de l’Administration centrale 14 173,80 90% 13 773 91% 3%
Dette intérieure 4 984,60 32% 4 681 31% 6%
Dette extérieure 9 189,20 59% 9 092 60% 1%
Dette du secteur parapublic 1 517,25 10% 1 381 9% 9%
Dette intérieure 510,41 3% 384 3% 25%
Dette extérieure 1 006,84 6% 997 7% 1%
Source : DDP Bulletin statistique T1-2024
1.3. Les disponibilités du Trésor public
Les disponibilités du Trésor sont passées de 122,2 milliards de F CFA à fin 2019 à 173,6 milliards de FCFA à fin 2023, soit une moyenne annuelle de 178 milliards de F CFA (une hausse de 25% en valeur relative). Il est à noter que les ressources ont atteint un montant cumulatif de 298,8 milliards de F CFA à fin 2021, expliqué essentiellement par les appuis reçus dans le cadre de la lutte contre la COVID 19.