Plus de sept mois après son début, le bilan de l’épidémie d’Ebola qui frappe le nord-est de la RDC vient de dépasser les 600 morts. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) juge pourtant l’épidémie contenue, et envisage même d’en voir la fin dans six mois. Un objectif réalisable mais qui nécessite cependant un changement d’approche.
Chaque jour, les nouveaux cas d’Ebola en RDC se comptent sur les doigts d’une main. Clairement, un pic est passé, ce qui pousse l’OMS à déclarer l’épidémie comme « contenue ». Pour de nombreux observateurs, l’usage de ce terme est sans doute un peu prématuré. « L’épidémie n’est pas sous contrôle », estime ainsi la Dr Natalie Roberts. La responsable des urgences de Médecins sans frontières Paris revient tout juste du Nord-Kivu. Elle fait le parallèle avec l’épidémie qui a frappé l’Afrique de l’Ouest : « Il y a un risque aujourd’hui de voir une flambée et beaucoup plus de cas. Notre but est de comprendre quels sont les facteurs de risque et éviter ce qu’on a vu en Afrique de l’Ouest. L’épidémie semblait alors contenue, mais ça a précédé une telle flambée. En RDC, on ne comprend toujours pas pourquoi et comment les gens attrapent Ebola. »
Au cours de son séjour, Natalie Roberts a cependant pu observer la situation, ce qui l’amène à formuler plusieurs hypothèses. Les transmissions nosocomiales, à l’hôpital sont ainsi en haut de sa liste, tout comme ce qu’on appelle la chaîne de contamination : les contacts qu’a une personne malade avec son entourage. Il faut parvenir à remonter ce fil. « Quand un cas est identifié dans une famille, nos équipes arrivent pour identifier les contacts », explique Jean-Christophe Shako. Le coordinateur de la riposte contre la maladie fait ce travail tous les jours à Butembo. « Tous les contacts sont listés, vaccinés. On décontamine ensuite la structure, on fait le ménage. On suit surtout tous les contacts pendant 21 jours. » Un travail de longue haleine et le médecin constate régulièrement la réticence de la population, ce qui complique encore plus la tâche, avec potentiellement de graves conséquences. « Si ces opérations ne sont pas réalisées, des contacts vont développer la maladie. C’est ce qui nous cause des problèmes maintenant. »
Aller plus vite dans la prise en charge
Ebola est en effet une maladie effrayante, et le premier réflexe n’est pas d’aller dans un centre Ebola dès l’apparition des premiers symptômes. Les malades vont tout simplement à l’hôpital le plus proche. Cela a deux effets pervers : l’augmentation des infections nosocomiales évoquées par Natalie Roberts, mais également une perte de temps cruciale. La docteure estime ainsi qu’en moyenne les malades se rendent dans trois centres de soins différents avant d’aller dans une structure Ebola.
Pour y remédier, l’idée est donc de changer d’approche, et de tendre vers une plus grande intégration de la chaîne de traitement Ebola dans les structures déjà existantes. A Lubero, par exemple, « il n’y a pas de centre Ebola, nous n’avons que l’hôpital général de référence », explique le docteur Grégoire Tshilongo, de MSF. « Tous les malades passent par là, il n’y a qu’un seul triage. Nous avons une salle d’isolement pour tous les cas suspects. On peut les y garder et faire les prélèvements. » Si le test est positif, le patient est orienté dans un parcours spécifique Ebola. S’il est négatif, il est traité dans l’hôpital.
Pour MSF, cette approche a plusieurs avantages. Il n’y a tout d’abord plus de perte de temps dans la prise en charge de la maladie : le malade a accès au dépistage dès son entrée dans le parcours de soin. La mise en place de salles d’isolement dans un hôpital général limite également les risques d’infections nosocomiales.
Il faudrait cependant généraliser ce dispositif, pour pouvoir doter chaque centre de santé de la région de personnel et d’infrastructures à-même d’être en contact avec la maladie.
Un contexte sécuritaire instable
La fin de l’épidémie est donc envisageable. Il faudra cependant passer outre le risque sécuritaire : « Dans cette région, il y a des conflits armés depuis de nombreuses décennies et les communautés sont toujours prudentes », poursuit le patron de l’OMS, qui met en garde contre le risque que l’épidémie reparte à la hausse « si la situation sécuritaire continue de se détériorer. »