Le prĂ©sident chinois Xi Jinping est en tournĂ©e cette semaine dans plusieurs pays africains. Il y est accueilli en sauveur par des Etats en quĂȘte dâargent facile. Mais le continent croule dĂ©sormais sous les crĂ©ances
Au SĂ©nĂ©gal, Xi Jinping a Ă©tĂ© accueilli par une fanfare et une haie de supporters vĂȘtus de t-shirts Ă son effigie. Au Rwanda, il a Ă©tĂ© saluĂ© par une foule agitant le drapeau chinois. En Afrique du Sud, il a eu droit Ă une salve de 21 coups de fusil devant le bĂątiment abritant le gouvernement, Ă Pretoria. Le prĂ©sident chinois effectue cette semaine sa quatriĂšme visite sur le continent africain et son premier voyage Ă lâĂ©tranger depuis sa rĂ©Ă©lection en mars.
Lors de sa halte au SĂ©nĂ©gal, le prĂ©sident Macky Sall a louĂ© «la relation spĂ©ciale» qui unit son pays Ă la Chine et saluĂ© la contribution de cette derniĂšre «à la paix et Ă la stabilitĂ© du continent mais aussi au financement de nos budgets». LâEmpire du Milieu a investi 1,6 milliard de dollars dans ce pays dâAfrique de lâOuest ces derniĂšres annĂ©es. Il a notamment financĂ© la construction dâune autoroute reliant Dakar Ă Touba, ainsi quâun parc industriel Ă proximitĂ© de la capitale.
Principal partenaire commercial de lâAfrique
Au Rwanda, Xi Jinping a signĂ© 15 accords commerciaux, dont un prĂȘt de 126 millions de dollars pour financer deux projets de route. En Afrique du Sud, oĂč le prĂ©sident chinois participe en fin de semaine Ă la rĂ©union annuelle des cinq pays du BRIC, il a promis dâinvestir 14,7 milliards de dollars et dâaugmenter le volume des importations chinoises depuis ce pays.
Ce ne sont pas des promesses en lâair. La Chine est dĂ©sormais le principal partenaire commercial de lâAfrique, devant les Etats-Unis. En 2017, ses Ă©changes avec le continent ont atteint 170 milliards de dollars, en hausse de 14%. LâEmpire du Milieu a aussi prĂȘtĂ© 94 milliards de dollars Ă lâAfrique entre 2000 et 2015, selon la China Africa Research Initiative de lâUniversitĂ© Johns Hopkins.
Cela a servi Ă construire plus de 6200 kilomĂštres de voies de chemin de fer et 5000 kilomĂštres de routes. Cela a aussi financĂ© quelques projets pharaoniques, Ă lâimage de la ligne ferroviaire qui relie Addis Abeba Ă Djibouti, devisĂ©e Ă 4 milliards de dollars. Mais cela a surtout fait exploser la dette des bĂ©nĂ©ficiaires de ces crĂ©dits.
Le Fonds monĂ©taire international (FMI) juge que cinq Etats dâAfrique subsaharienne sont surendettĂ©s et que neuf autres pourraient bientĂŽt les rejoindre. La dette du Kenya a rĂ©cemment passĂ© la barre des 5 trillions de shillings (49 milliards de francs) et 72% de cette somme est due Ă la Chine. Ce printemps, Moodyâs a dĂ©gradĂ© la note du Kenya.
La situation est critique aussi Ă Djibouti. Sa dette Ă©quivaut Ă 84% de son PIB et PĂ©kin en dĂ©tient 82%. La Zambie et le Congo-Brazzaville ont pour leur part contractĂ© des emprunts opaques auprĂšs dâentreprises chinoises dont le montant nâa pas Ă©tĂ© dĂ©voilĂ©.
Le risque est Ă©levĂ© pour ces pays. Sâils font dĂ©faut, les infrastructures bĂąties avec cet argent pourraient se retrouver en mains chinoises. En fĂ©vrier, Djibouti a rĂ©siliĂ© le contrat dâexploitation dĂ©tenu par lâopĂ©rateur de ports dubaĂŻote DP World sur le terminal Ă conteneurs de Doraleh, au bord de la mer Rouge, pour le remettre Ă trois entreprises chinoises.
Les ressources naturelles comme garantie
Ce nâest pas tout. «Ces prĂȘts sont souvent garantis au moyen de ressources naturelles», relĂšve Yun Sun, une chercheuse auprĂšs de la Brookings Institution. La dette de lâAngola envers la Chine atteint 25 milliards de dollars. Les ressources pĂ©troliĂšres du pays servent de caution. «Le premier prĂȘt de ce genre a Ă©tĂ© fourni en 2004 par Exim Bank of China, indique lâexperte. Cela a par la suite permis Ă Sinopec [un groupe chinois] de mettre la main sur plusieurs concessions pĂ©troliĂšres en Angola.»
En 2008, La Chine a concĂ©dĂ© un prĂȘt de 6 milliards de dollars Ă la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, obtenant en Ă©change le droit dâexploiter plusieurs mines de cuivre et de cobalt. En GuinĂ©e, PĂ©kin a fourni une ligne de crĂ©dit de 20 milliards de dollars au gouvernement, ce qui lui a permis dâobtenir des concessions dâaluminium. ProblĂšme: si le prix des matiĂšres premiĂšres servant de garantie baisse, le coĂ»t de la dette augmente. LâAngola en a fait les frais lorsque le prix du pĂ©trole a plongĂ© ces derniĂšres annĂ©es.
Outre lâaccĂšs Ă de prĂ©cieux minerais, PĂ©kin gĂ©nĂšre «des affaires pour ses entreprises et de lâemploi pour ses travailleurs» en concĂ©dant des prĂȘts aux pays africains, estime Yun Sun. La majoritĂ© des projets dâinfrastructures financĂ©s par ces crĂ©dits sont en effet confiĂ©s Ă des sociĂ©tĂ©s de construction chinoises. La Chine sâachĂšte aussi la bienveillance du continent sur le plan politique. Ces derniĂšres annĂ©es, PĂ©kin a obtenu que tous les Etats africains â Ă lâexception du Swaziland â rompent leurs relations diplomatiques avec TaĂŻwan.
Le Temps